
Dorian Fournier
2 mars 2022
Laissez-moi vous expliquer comment ces nouvelles réglementations fonctionnent et quelles en sont les conséquences, puis vous dire si, selon moi, on peut sécuriser l’acquéreur d’un bien concerné, dès le stade du compromis de vente (promesse de vente).
Mais avant cela, posons le contexte :
Est-ce vraiment une nouveauté ?
De nombreuses communes en France ont déjà institué le permis de louer ou sa variante sur tout ou partie de leur territoire, donc certains professionnels sont déjà familier avec leur application en fonction de leur zone d'exercice.
Pour la Métropole Bordelaise, en revanche, la mise en place de cette réglementation est une première.
Cadre légal et « politique »
Rapide rappel sur la raison d’être de cette réglementation, et son cadre juridique :
Cette réglementation répond à la nécessité d’assurer le respect des critères de décence et de salubrité du parc locatif immobilier. Les logements insalubres pouvant mettre en danger la santé et la sécurité des locataires.
Pour rappel, proposer un logement décent fait partie des obligations du propriétaire, mais il n’est pas évident pour les collectivités de contrôler la stricte application de cette obligation.
Voilà donc la réponse des pouvoirs publics à cette problématique : le permis de louer.
Cette réglementation a été instituée par la loi ALUR de 2014, complétée par le décret n° 2016-1790 du 19 décembre 2016 qui définit les modalités d’application de ces deux régimes, et par les deux arrêtés du 27 mars 2017 qui fixent trois formulaires CERFA.
Tout ceci a été codifié :
- Pour la Déclaration de mise en location (Articles L634-1 à L634-5du CCH)
- Pour l'Autorisation préalable de mise en location (Articles L635-1 à L635-11)

Quels secteurs géographiques et quels types de biens sont concernés ?
La collectivité peut donc définir des secteurs géographiques, des catégories de logements ou des ensembles immobiliers, pour lesquels les propriétaires bailleurs doivent réaliser des démarches dans le cadre de la mise en location de leur bien.
Dans les zones définies, le permis de louer s’applique à la fois aux logements vides et aux logements meublés qui sont loués à titre de résidence principale (donc inapplicable à la location de meublé touristique).
Lorsque le logement ne respecte pas les caractéristiques de décence ou est susceptible de porter atteinte à la sécurité des occupants et à la salubrité publique, le bailleur pourra se voir refuser l’autorisation de mettre en location son bien.
La décision de rejet de la demande d'autorisation préalable de mise en location doit être motivée et précisera la nature des travaux ou aménagements prescrits pour satisfaire aux exigences précitées.
Une autorisation sous condition de réalisation de tels ou tels travaux pourra même être délivrée.
Cette nouvelle réglementation, qui sera perçue par certains comme un obstacle de plus pour les bailleurs (et notamment le propriétaire particulier qui prépare sa retraite), est applicable depuis le 1er janvier 2022 sur certaines communes de Bordeaux Métropole et sur une partie du territoire bordelais.
Comment on l’applique en pratique ?
Un outil pratique pour savoir si son bien est concerné
Bordeaux Métropole a mis à disposition sur son site internet un outil très pratique : une cartographie interactive des périmètres concernés permettant de déterminer rapidement si votre bien est concerné par l’une de ces réglementations
Comment déterminer si son bien est concerné ?
Vous voyez sur la carte plusieurs types de zonages (vous pouvez vous référer à l'illustration en haut de cet article) :
- en vert foncé ce sont les zones où s’applique le « permis de louer » (on devrait parler en réalité "d’autorisation préalable de mise en location") ;
- en jaune ce sont les zones dans lesquelles s’applique la déclaration de mise en location.
(Pour information, les zones hachurées correspondent au permis de diviser, ce n’est pas notre sujet du jour).
Une spécificité : les zones en vert plus clair correspondent aux secteurs dans lesquelles s’applique le permis de louer, mais limité aux biens de plus de 30 ans.
Pour déterminer si son bien est concerné par l'application de l'une de ces réglementations, la recherche peut se faire de manière directe en faisant une recherche par adresse, et s’affiche alors immédiatement la règle applicable au bien concerné.

Sur Bordeaux Métropole, quels sont les secteurs concernés ?
À Bordeaux
À propos des zones d'application, finalement, on constate que la commune de Bordeaux-même n’est pas du tout concernée par la déclaration de mise en location, c'est-à-dire la procédure postérieure à la conclusion du bail.
Et elle est assez peu concernée par le permis de louer, car il ne concerne :
- qu’une première zone qui s’étend de la place de la Victoire jusqu’à la Garonne au Quai de la Monnaie, et délimitée au Sud par les rues Pascal Mothes et Cazemajor,
- et une autre zone plus réduite derrière la Gare Saint-Jean (quartier Belcier), jusqu’au Quai de Paludate.
À Bordeaux, sont donc concernés les quartiers les plus touchés par la dégradation du parc immobilier.
En dehors de Bordeaux
En dehors de Bordeaux, sont totalement ou partiellement concernées les communes de : Ambarès-et-Lagrave, Eysines, Floirac, Gradignan, Le Haillan, Lormont, Mérignac, Saint-Louis-de-Montferrand, Saint-Médard-en-Jalles.
Quelles conséquences tirer du zonage ?
Désormais pour louer son bien, trois hypothèses se présentent :
1 - Soit votre bien se trouve dans une zone non concernée
Dans ce cas, rien ne change, vous pouvez louer votre bien sans nouvelle formalité.
2 - Soit votre bien se trouve dans une zone concernée par la déclaration de location
Elle consiste simplement en une déclaration déposée après la signature du bail (dans les 15 jours de la signature), pour assurer à la collectivité une veille du marché locatif.
C’est certes une formalité supplémentaire à réaliser, mais ce n’est pas une autorisation en tant que telle, on ne peut donc pas se voir opposer un refus.
3 - Soit enfin votre bien se trouve dans une zone concernée par le permis de louer
Ce permis peut amener la collectivité à interdire de louer ou à soumettre à condition(s) la mise en location d’un bien qui porterait atteinte à la sécurité, la salubrité des occupants ou ne respecterait pas les critères de décence.
Dans le cadre de cette procédure, la demande doit être déposée par le propriétaire avant la conclusion du bail, accompagné des diagnostics techniques obligatoires.
Les services instructeurs disposent alors d’un (1) mois maximum pour prendre position.
À défaut de réponse, l’accord est tacite.
La demande d’autorisation préalable de louer se fait sur le formulaire Cerfa N°15652*01.
Quelle est la valeur des autorisations obtenues ?
Attention : ces autorisations ne sont pas définitives !
Une fois l’autorisation obtenue, en cas de nouvelle location à un autre locataire, passé 2 ans, il faut refaire la formalité.
Et si le logement vendu loué a obtenu une autorisation de mise en location, le nouveau propriétaire doit déclarer le transfert de l'autorisation.
Quelles sanctions en cas de non respect de la réglementation ?
Dans les deux cas (autorisation préalable ou simple déclaration) la sanction sera pécuniaire : une amende allant de 5 000 € à 15 000 €.
Faut-il craindre l'entrée en vigueur de ces autorisations ?
Pas nécessairement, dès lors que les logements mis à disposition sont tout à faire conformes aux critères de normes d’habitabilité et de décence.
Cette réglementation imposera parfois les propriétaires bailleurs à exposer des frais de mise aux normes.
C’est certes vertueux pour la qualité du marché de logements, mais cela peut être lourd à assumer pour de petits bailleurs.
Peut-on envisager de mettre en condition suspensive l’obtention de cette autorisation ?
À la lecture du CERFA de demande d’autorisation préalable de mise en location, on constate qu'il n'est demandé de renseigner uniquement :
- l’identité et la qualité du bailleur ;
- les renseignement relatifs à l’immeuble en général, et au logement à titre particulier.
(Rappel : Doit être joint le dossier de diagnostics techniques).
Il n’y a donc pas de renseignement à communiquer relatifs au futur locataire.
L’autorisation est certes personnelle au propriétaire, mais délivrée uniquement compte tenu des caractéristiques du bien, et non en fonction de la personne du locataire pressenti.
Aussi, une fois l’autorisation de mise en location obtenue, elle est valable 2 ans.
Par conséquent, quand on se retrouve face à un acquéreur qui fait un investissement locatif sur un bien qui entre dans le champ d’application du permis de louer, je ne peux que vous recommander d’envisager d’ériger en condition suspensive de la vente l’obtention de l’autorisation de mise en location.
Sauf, évidemment, à ce que l’acquisition porte sur un bien ne respectant pas notoirement les critères de décence du logement, et qu’il y ait d’important travaux à réaliser, ce dont l’acquéreur a pleine et entière conscience.